Il neige, mon cœur.
Est-ce bien important ?
Il neige. La route est fermée.
Attendons le printemps ?
Attendons, attendons.
Attendons, mais...
Mais le portail est libre!
Ce n'est plus celui-ci.
Ceux qui le passent n'ont pas changé !
Ce ne sont plus ceux-là.
Ils parlent fort et rient!
Puisque je te dis que je ne sais pas leur nom...
Ils disent qu'ils leurs ressemblent.
Les couloirs sont peut-être les mêmes...
Et les frais amis de toujours qui écartent les pages des cahiers ?
Je reconnais enfin les plafonds, c'est la même lumière.
Et les bureaux à pieds rouges !
Et les cours ? Baille-t-on encore en secret derrière le professeur ?
On y éclate à voix basse en pleurs, en rires et d'ennui...
Comme j'ai baillé...
Ils n'ont pas plus de zèle, une fois affairés.
Y fait-on des poèmes ?
Les fleurs qu'on y observe en coin te rappelleraient la tienne.
Elle était singulière...
Elles le sont.
Mais ont-elles deux tresses noires qui pendent sur le cou ?
Elles...
Ont-elles deux tresses ou non ?
Je crois, oui, à les bien distinguer...
Ont-elles le teint tabac d’Espagne, la lèvre rose ?
Elles semblent avoir tout cela...
Sentent-elles la myrtille et le savon, la sueur timide et l'herbe de midi ?
Je ne sais...
Ont-elles seulement des regards qui figent, tes Méduses de seize ans ?
...
Va.
Fleurs de deux printemps ne se reconnaîtraient.
...
Alors ?
Alors, n'entrons pas.
La route est libre pourtant...
Le vois-tu celui-là ?
L'adolescent agenouillé sous l'ombre des arbres, je le vois.
Il tend la main encore.
A qui ?
Il la regarde.
Tu disais qu'elle n'y était plus!
Il neige. Allons.
Allons, mon cœur.
Attendons le printemps ?
St-J de C, le seize août 2020.
Avec mes meilleurs souvenirs.